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Les charbonnages d'Oupeye et de Vivegnis, ainsi que les concessions que vous mentionnez, font partie du riche et complexe bassin minier de Liège, actif principalement du XIXe au milieu du XXe siècle.
Un Réseau Complexe de Concessions Minières
Les noms comme Abhooz, Biquet-Gorée, et Bons Espoirs et Bons Amis réunis désignent des concessions ou des sociétés houillères qui exploitaient la houille sur le territoire actuel d'Oupeye et de Vivegnis.
· Fragmentation et Fusion : La caractéristique de l'exploitation houillère, en particulier au $\text{XIX}^{\text{e}}$ siècle, était souvent la présence de nombreuses petites sociétés ou concessions. Pour gagner en efficacité et en capital, beaucoup de ces entités ont fini par fusionner au fil du temps.
· Abhooz et Bons Amis Réunis : L'histoire de plusieurs de ces petites houillères a convergé. La société anonyme des Charbonnages d'Abhooz et Bonne-Foi Hareng fut créée en 1879 par la fusion de plusieurs sociétés, dont notamment la Houillère Bon Espoir et Bons amis et la Houillère d'Abhooz. Cela démontre comment les noms de concessions plus modestes (comme Bons Espoirs et Bons Amis) ont été regroupés sous une entité plus grande (Abhooz étant l'un des sièges principaux, Milmort devenant plus tard le siège central).
· Vestiges et Durée : Bien que les noms des petites concessions se soient effacés des registres après les fusions, leur activité a été fondamentale. L'exploitation dans ces zones, y compris pour la société Abhooz et Bonne-Foi Hareng, s'est poursuivie jusqu'à la fermeture progressive des puits les moins rentables, avec une cessation totale des activités pour cette grande société en 1962 (siège de Milmort).
L'Areine Bicquet-Gorée : Un Élément Clé
Le nom Biquet-Gorée est principalement resté dans la mémoire locale grâce à une infrastructure vitale pour l'exploitation minière : l'areine.
· Fonction des Areines : Les areines sont des galeries de drainage souterraines creusées pour assécher les galeries de mines. L'eau était un danger constant dans les exploitations charbonnières.
· L'Areine Bicquet-Gorée : Cette areine fut employée pendant des siècles pour aider à l'assèchement des galeries de mines de la région d'Oupeye. Bien que son usage ait diminué avec l'arrivée des pompes à vapeur, son importance historique est majeure. Elle a été abandonnée autour de 1920, mais a récemment fait l'objet de travaux de restauration pour préserver ce patrimoine minier.
L'Impact Humain et Social
Ces charbonnages n'étaient pas que des puits et des galeries ; ils étaient le cœur économique et social de la région pendant plus d'un siècle.
· Vie Quotidienne : L'exploitation charbonnière a profondément marqué la vie des habitants d'Oupeye, Vivegnis et des villages voisins (Hermée, Hermalle-sous-Argenteau, etc.). Des familles entières dépendaient de la mine, y compris des femmes et des enfants qui travaillaient pour joindre les deux bouts, parfois jusqu'en 1950.
· Mémoire et Patrimoine : Aujourd'hui, même si les chevalements ont disparu, la mémoire de cette époque est conservée à travers des vestiges comme les bornes de concession minière encore visibles dans le paysage, et l'areine Bicquet-Gorée restaurée. Le travail de documentation, notamment celui de passionnés locaux, est essentiel pour faire revivre ces noms qui étaient en danger de disparaître.
Les Accidents de la Mine : Un Péril Quotidien
Le travail au fond de la mine était l'un des plus dangereux qui soient, faisant des accidents une menace constante pour le travailleur et sa famille.
· Les Coups de Grisou : Ils constituaient la cause la plus spectaculaire et la plus meurtrière des accidents, souvent liés à l'explosion du gaz méthane. Un seul coup de grisou pouvait décimer des dizaines d'hommes, comme ce fut le cas dans de nombreuses mines de Wallonie.
· Les Éboulements et les Inondations : Les galeries n'étaient pas toujours bien étayées, et les éboulements étaient fréquents. Comme mentionné précédemment, la présence d'eau, malgré le système d'areines, pouvait entraîner des inondations subites, piégeant les mineurs.
· Maladies Professionnelles : Au-delà des accidents aigus, les mineurs souffraient de la silicose (appelée "phtisie noire"), causée par l'inhalation de poussière de charbon. C'était une maladie chronique et mortelle qui invalidait les hommes à un âge précoce.
Le Travail des Femmes et des Enfants : Une Nécessité de Survie
La présence des femmes et des enfants dans la mine est un indicateur de la misère économique qui frappait les familles ouvrières. Leurs salaires étaient indispensables pour "nouer les deux bouts".
· Les Enfants au Fond : Avant les premières lois sur le travail (notamment celle de 1884 en Belgique, qui a timidement tenté de réglementer l'âge), des enfants dès l'âge de 8 à 10 ans travaillaient au fond. Leurs tâches étaient souvent ingrates : ouvrir et fermer les portes d'aération (saqueux ou aérageurs), ou traîner les wagonnets dans les galeries trop petites pour les hommes (traîneurs ou rouleurs).
· Les Femmes au Fond et au Jour : Les femmes travaillaient souvent au fond, y compris dans le bassin de Liège, pour charger le charbon ou le trier. Leur présence était cependant progressivement limitée par la loi. Celles qui travaillaient au jour (à la surface) étaient les trieuses ou chargeuses, chargées de séparer les pierres du charbon sur le terril ou au lavoir.
· La Persistance de l'Exploitation : L'étonnement que ce travail ait persisté jusqu'en 1950 est tout à fait justifié. Même après la Seconde Guerre mondiale, le besoin de main-d'œuvre et le poids des traditions économiques ont fait perdurer des conditions de travail difficiles, en particulier pour les tâches les moins mécanisées.
Transport et Mobilité du Travailleur
La manière dont le charbon était extrait et dont les travailleurs se déplaçaient était essentielle à l'économie minière.
· Transport du Charbon :
o Au Fond : Le charbon était transporté dans des wagonnets (ou berlines) tirés par des enfants ou des chevaux (dans les galeries plus vastes). Il était ensuite hissé par les chevalements jusqu'au jour.
o Au Jour : De là, il était acheminé vers les clients (usines, chemins de fer) ou les dépôts, souvent par chemin de fer (raccordements) ou par voie d'eau (le Canal Albert, par exemple, joua un rôle majeur).
· Mobilité du Travailleur :
o Le "Borain" : Dans des bassins miniers plus vastes, comme le Borinage, on a vu l'émergence des Borains (habitants du Borinage) qui se déplaçaient en masse vers les mines plus actives de la région de Liège ou du Limbourg.
o Le Quartier Minier : À Oupeye et Vivegnis, la mobilité était souvent plus locale, avec la création de cités minières (ou cités jardin après 1920) à proximité immédiate des puits pour loger la main-d'œuvre. Ces cités favorisaient le sentiment communautaire mais liaient fortement les familles à la mine, accentuant leur dépendance vis-à-vis de l'entreprise.