Le Cramignon : L'Âme et la Ferveur de la Basse-Meuse

Le Cramignon est bien plus qu'une danse en chaîne ; c'est un patrimoine vivant dont les racines plongent profondément dans l'histoire liégeoise, comme en témoignent des écrits remontant à 1575. Cette tradition, aujourd'hui reconnue comme chef-d'œuvre du Patrimoine oral et immatériel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, se perpétue avec une ferveur intacte dans les villages de la Basse-Meuse.

Ferveur, Couleurs et la Conquête de l'Honneur

Chaque année, à l'occasion des fêtes paroissiales (la kermesse ou la Bronk), se déroulant généralement entre juin et la mi-octobre, la coutume des Cramignons s'anime. Des heures durant, au son des fanfares et harmonies, d'impressionnantes farandoles défilent dans les rues.
Dans des villages comme Hermalle-sous-Argenteau, Haccourt et Heure-le-Romain, les cortèges se distinguent par une rivalité amicale mais intense. Les participants, vêtus de leur tenue de cérémonie (robe longue pour les filles, smoking pour les garçons), sont répartis en deux sociétés, chacune arborant fièrement ses couleurs : Les « Bleus » et Les « Rouges ».
La chaîne est menée par le "capitaine" tenant son bouquet et sa cavalière, la "fillette", tandis que le "lieutenant" ferme la marche.

La Victoire : Une Question de Fierté

Le moment fort du défilé est le comptage des couples : la Société qui aligne le plus grand nombre de couples (homme-femme) dans sa farandole lors d'un contrôle officiel est déclarée vainqueur de la journée, alimentant ainsi l'esprit de compétition.
La récompense est avant tout symbolique et sociale : elle confère la gloire et le droit de se vanter (avec humour et taquinerie) pour une année entière. C'est la reconnaissance de l'engagement, de la mobilisation et de la ferveur de la Société. Après l'annonce du résultat, les meneurs de l'équipe victorieuse - le capitaine, la fillette, et parfois le lieutenant - sont souvent portés en triomphe par les autres participants, dans un moment d'exaltation collective.

Un Rituel en Deux Temps et l'Ultime Joute

La fête s'articule sur deux journées essentielles, reflétant la structure de la communauté :
· Le Lundi : Le Cramignon des "jeunes", principalement dédié aux célibataires.
· Le Mardi : Le grand Cramignon, réunissant "jeunes" et "vieux" (mariés et non-mariés), qui symbolise l'unité intergénérationnelle du village.
Le point d'orgue de ces deux journées est l'ultime rencontre appelée la « Daye ». Cette joute pacifique voit les deux fanfares s'affronter dans une démonstration de force musicale, où le but est d'interpréter des airs traditionnels le plus longtemps et le plus fort possible. Il est fréquent que le fait d'avoir remporté le cramignon des couples donne un élan moral supplémentaire aux musiciens de la société victorieuse lors de cette "Daye".